Enfant souriant avec un agneau dans les bras

Repenser les coexistences
entre Nature et Culture

de Damien Deville

Qu’est-ce qui distingue les êtres humains des animaux et les animaux des plantes ? Est-ce que par-delà les différences extérieures, al existe des similitudes et des complémentarités intérieures ? Quels sont les rapports qui nous liaient hier ? Quels sont ceux que nous voulons valoriser demain ? Ces questions ontologiques entre nature et culture ont toujours été au cœur des questions philosophies et sociales. Descartes, Voltaire, Vercors dialoguaient déjà sur ce qui faisait la singularité de l’être humain. Plus récemment, des scientifiques tels que Claude Lévi-Strauss, Aurélie Javelle ou encore Philippe Descola, cherchent à renseigner les continuités apparentes ou abstraites entre les humans et les non humans. A l’aube de la crise écologique et de la transition de nos sociétés, ces questions n’ont jamais été autant d’actualité.

Pendant longtemps, dans les pays occidentaux, les sociétés ont dissocié les processus naturels des processus culturels. Appuyée par une science rationaliste, cette distinction fut légitimée comme seule approche disposant d’une portée universelle dans la pensée académique et dans les arbitrages politiques. Pourtant l’anthropologie récente nous montre que, par delà nos frontières occidentales, perdurent de nombreuses sociétés dans lesquelles cette distinction n’existe pas : les animaux, les plantes, le climat et le relief constituent autant d’entités spirituelles que politiques, au même titre que les humans (chez les Dogons des falaises rouge du Mali, dans les réserves aborigènes d’Australie, dans les rites des Papous de Nouvelle-Guinée, ou encore dans les sociétés totémiques des populations amérindiennes). A l’aide de médiataires – shamans et autres gardians des lieux sacrés – les « avis » de ces non humans sont sollicités dans les arbitrages économiques, sociaux et écologiques. Dans ces sociétés, ce ne sont pas les individus – considérés comme dans la philosophie classique comme entité autonome – qui constituent le cœur des arbitrages politiques mais plutôt les interrelations qui unissent quotidiennement les humans de leurs homologues les non humans. L’action se déplace alors pour valoriser des réseaux complexes qui vont constituer l’identité même des communautés. De ces sociétés ressort une place inédite accordée aux entités vivantes et des systèmes de gouvernance qui créent des espaces de complémentarité entre la culture et la nature.

Enfin en France, et plus généralement en Occident, la montée plus ou moins récente des consciences écologiques, entraîne à son tour des initiatives locales dans les territoires qui enrichissent le paysage de poésie et de diversité. Dans ces pays riches où paradoxalement la pauvreté s’accentue, un accès à des lieux de nature quotidien peut participer à l’émancipation et au bien être des populations en situation de précarité. Qu’ils soient à des fins d’égalité sociale ou qu’ils répondent à des objectifs naturalistes, ces projets ont pour point commun d’accorder une place centrale aux êtres vivants dans la façon de fabriquer le lien social, la solidarité, l’éducation, la construction territoriale et plus généralement la façon de vivre nos démocraties.

A travers des travaux de recherche en agroécologie et en anthropologie de la nature, ainsi qu’à travers différents engagements en société (conférences, EELV, associations), j’essaye de comprendre et de valoriser ces différents mouvements. Situés entre tradition et modernité, ces derniers ont l’immense mérite de s’inventer à travers un double niveau d’inclusion : en créant des ponts ô combien salutaires entre nature et culture, et en ouvrant un dialogue permanent entre les pays du Nord et les pays du Sud. Repenser ces liens, tant dans la pensée académique que dans l’action politique, ouvre des chemins de sagesse qui promeuvent des coexistences harmonieuses entre humans et non humans et qui tentent par la même occasion d’enrayer les ravages de notre insouciance sur un environnement dont nous sommes les principauz responsables.

Pour en savoir plus : http://www.damiendeville.eu/