L’association GISS | Alter Corpus

de Benjamin Moron-Puech

L’association GISS | Alter Corpus est une association qui vise à défendre et promouvoir les droits des minorités corporelles, c’est-à-dire ces personnes ayant un corps différent et exposées de ce fait à des discriminations, en particulier la normalisation non consentie de leur corps pour les faire correspondre à la norme dominante.

L’un des exemples de ces minorités ce sont les personnes intersexuées, lesquelles représentent, selon les états d’intersexuation pris en compte, entre 0,02% et 1,7%1 de la population. Qualitativement, les personnes intersexuées sont celles dont le corps ne correspond pas aux standards dominants du masculin et du féminin parce que leurs caractéristiques sexuées empruntent soit aux deux sexes (hypothèse qu’on désignait naguère par le terme « hermaphrodite » au « pseudo-hermaphrodite »), soit à aucun des deux. Or, aujourd’hui, en raison de cette différence, ces personnes sont l’objet d’une très importante pression sociale visant à effacer leur différence, laquelle dérange une société construite sur un modèle binaire des sexes (homme / femme) où elles n’ont pas de place.

Cette pression sociale se traduit notamment par des opérations médicales réalisées en bas-âge sur le corps de ces personnes pour les faire ressembler à l’un des deux seuls prétendus « vrais sexes ». Cela se traduit également, par la pression sociale qui leur est faite pour entrer dans un des deux groupes sociaux genrés dominants, celui des hommes ou celui des femmes. Cette pression sociale se manifeste par exemple dans la prétendue impossibilité qu’ont les personnes intersexuées d’être nommées dans la langue dans un genre neutre, qui ne serait ni masculin ni féminin. Certes, toutes les personnes intersexuées ne désirent pas s’inscrire en dehors du genre masculin ou féminin mais, pour celles qui le souhaiteraient, cela est pratiquement impossible, en raison des normes juridiques ou non juridiques le leur prohibant. Cela est rendu inacceptable ou indéfendable par les normes juridiques ou non juridiques. Or, les récents travaux en droit, linguistique ou histoire de la langue montrent que cette impossibilité n’en est plus une. Les personnes peuvent s’exprimer au genre neutre, puisque le genre neutre est maintenant créé, conceptualisé et développé par la population, conjointement avec la recherche linguistique. Seules des traditions non écrites, juridiques, sociales et linguistiques empêchent les personnes qui le souhaitent de parler au genre neutre.

Présentation de l'association GISS | Alter Corpus - Défense des droits des minorités corporelles

La spécificité de l’association GISS | Alter Corpus, par rapport à des associations promouvant et défendant d’ores et déjà les droits de ces minorités, est double. Elle tient d’une part au moyen utilisé, à savoir principalement un travail juridique déployé au niveau institutionnel par le biais d’actions de sensibilisation réalisées auprès d’autorités publiques ou par le biais d’actions contentieuses visant à déférer au juge ce que les membres de l’association estiment être une violation des droits fondamentaux des minorités défendues.

Cette spécificité tient d’autre part aux membres de l’association qui sont issuz d’horizons différents. D’un côté figurent des militanz, qu’als soient des personnes concernées ou des avocaz alliæs, de l’autre figurent des cherchaires s’intéressant à l’évaluation des politiques publiques déployées à l’égard de ces minorités. Toutes ces personnes travaillent ensemble, les unes pour tenter d’obtenir une évolution des normes juridiques discriminantes dont pâtissent ces minorités et les autres pour approfondir la connaissance scientifique de la situation de ces minorités par une recherche à la fois située et empirique.

Parmi les actions récemment entreprises par l’association GISS | Alter Corpus, en collaboration d’ailleurs avec Alpheratz, figure le dépôt devant le Conseil d’État d’un recours pour excès de pouvoir contre la circulaire du Premier Ministre en date du 21 novembre 2017 ayant entendu interdire l’usage du français inclusif aux agenz de l’administration. Les membres de l’association GISS | Alter Corpus, estimant que cette circulaire portait atteinte aux droits fondamentaux des personnes ayant un genre non binaire, qu’elles soient intersexuées ou non, ont décidé de poser au Conseil d’État la question de sa conformité avec plusieurs droits fondamentaux, notamment le principe d’égalité devant la loi et l’interdiction des discriminations, la liberté d’expression et de communication ou encore le droit au respect de la vie privée. Avec l’aide d’Alpheratz, l’association GISS | Alter Corpus a en outre tenté de déconstruire l’une des prémisses de la circulaire, à savoir l’idée selon laquelle n’existerait aucun genre neutre dans la langue française.

Bibliographie

B. Moron-Puech et M. Petkova (entretien réalisé par A. Alessandrin et J. Dagorn), « Le GISS | Alter Corpus. Une association engagée auprès des personnes intersexuées », Les Chahiers de la LCD, 2017/3, vol. 5, p. 131-143, https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01627306/document

B. Moron-Puech, « Le droit des personnes intersexuées. Chantiers à venir. 1re partie », Socio, vol. 9, 2017, http://journals.openedition.org/socio/2983

B. Moron-Puech, « Le droit des personnes intersexuées. Chantiers à venir. 2e partie », La Revue des Droits de l’Homme, vol. 11, 2017, http://journals.openedition.org/revdh/2815

1 C. Chiland, « La problématique de l’identité sexuée», Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’adolescence », vol. 56, 2008, p. 331. Cette large fourchette  reflète moins une incertitude scientifique, que le caractère culturel et donc relatif des modèles masculin et féminin qui, d’un chercheur à l’autre sont plus ou moins englobant.